CAMEROUN :: Lycée de Nitoukou : un arrêté du Minesec plonge l’arrondissement dans une grave crise sociale :: CAMEROON
Des jeunes de cette unité administrative disent saisir le chef de l’Etat, Paul Biya, à l’effet de porter à sa « très haute attention » un arrêté du ministre des Enseignements secondaires, relevant de ses fonctions le censeur, William Bouayelihiki, et unique enseignant de philosophie de cet établissement.
Veille de rentrée scolaire 2024-2025. Coup de tonnerre au Lycée de Nitoukou. Le censeur William Bouayelihiki, par ailleurs seul enseignant de philosophie, est relevé de ses fonctions. La nouvelle tombe comme un couperet. Il s’agit d’un arrêté du ministère des Enseignements secondaires (Minesec) portant nomination des responsables des services déconcentrés du Minesec. Pour ce qui est de la délégation départementale du Mbam-et-Inoubou et du Lycée de Nitoukou, William Bouayelihiki est relevé de ses fonctions de censeur et remplacé par Engoulou Marc Pie Claude, précédemment surveillant général au Lycée de Yangben, dans l’arrondissement de Bokito, département du même nom.
Non contents de cet arrêté « à tête chercheuse », des jeunes de Nitoukou rassemblés dans un collectif, ont déposé le 26 novembre dernier, une requête auprès du Minesec. Ils indiquent dans cette note ne pas remettre en cause le pouvoir discrétionnaire ayant conduit à la proclamation de cet arrêté ; non plus pour mettre à rude épreuve l’objectivité des collaborateurs du Minesec ayant fait des propositions de nominations au ministre. Mais, disent-ils dans cette missive d’être disposés et disponibles à répondre à toutes sollicitations visant à reconsidérer l’enseignant mis au banc de touche ; pour que le Minesec se fasse sa propre opinion sur l’enseignant baptisé « la chicotte du développement de Nitoukou ».
Paul Biya
Le collectif entend saisir dans les prochains jours, le chef de l’Etat Paul Biya ; à l’effet de porter à sa haute attention l’affaire William Bouayelihiki. A travers « un mémorandum sur le sort qu’une maire a décidé de réserver aux jeunes de l’arrondissement juste parce qu’ils réclament la bonne gestion des ressources transférées dans notre Commune. Nous disposons des preuves de cette gestion catastrophique ». Les jeunes ont déjà entrepris une série de consultations auprès des élites et responsables politiques du Rdpc de Nitoukou et du Mbam-et-Inoubou, parti issu la mairesse. L’objectif étant qu’ils plaident pour que le mis en cause soit rétabli dans son honorabilité. Mais jusqu’ici, ce n’est qu’une montagne qui a accouché d’une souris.
Pour un responsable de cet établissement joint par téléphone, cette note est pour le moins incompréhensible. Le mis en cause et la communauté éducative n’en reviennent pas. William dit n’être visé à date par aucun dossier disciplinaire aussi bien au Lycée de Nitoukou qu’aux délégations départementale du Mbam-et-Inoubou ; et régionale des Enseignements secondaires du Centre. Pour ses proches, il est victime de sa conscience professionnelle, de son engagement au travail et de sa profession d’enseignant qu’il vit et pratique comme une passion, mieux qu’une vocation ; et surtout de ses « critiques constructives » précisément à l’égard du maire de la commune du même nom.
D’autres responsables dudit établissement renseignent qu’aucun enseignant de philosophie n’a été affecté jusqu’à ce jour par l’Etat au Lycée de Nitoukou depuis le départ de leur collègue. Ils précisent qu’il en est de même pour les enseignants formé d’anglais, d’espagnol et même d’allemand. « Notons que le lycée ne dispose d’aucun enseignant d’Etat dans ces matières. Cependant l’Apee s’échine à supporter le coût des vacataires dans ces disciplines où les enseignements, actuellement, sont effectivement dispensés ».
Ossianembom Angeline épse Enanga
Ces jeunes accusent la mairesse de la commune de Nitoukou, Ossianembom Angeline épse Enanga d’être à l’origine des déboires de William. Jointe par téléphone, ce 27 novembre, le premier magistrat de la ville ne coopère pas ; elle refuse catégoriquement de dire si oui ou non, elle est à l’origine de la situation que traverse le prof de philo. « Nous ne pouvons pas prendre le temps de parler d’un même sujet depuis plus de deux semaines ». Elle trouve que les journalistes ne devraient plus en parler. « Il a écrit dans les journaux et j’ai répondu. Rien n’a changé de sa situation ». Elle reproche au censeur d’avoir méprisé « les gens » et qu’ « il doit se calmer désormais. C’est ma famille ; c’est ma municipalité ; personne ne doit s’y ingérer ». A la question de savoir comment en tant que maire de la ville, elle vit la situation du lycée sans enseignants formés en philosophie et en d’autres matières, la mairesse n’y a placé aucun mot mis à part des invectives : « si vous voulez continuez à écrire, sachez que vous aggravez sa situation », avant de raccrocher au nez.
William a fait toutes ses classes secondaires jusqu’à l’obtention de son Baccalauréat au Lycée de Nitoukou. Après sa sortie de l’Ecole normale supérieure de Yaoundé, il a été affecté tour à tour à Mbouda et ensuite à Bafoussam, avant d’occuper ce poste et concomitamment enseignant titulaire de cette manière. « J’ai réalisé mon rêve d’être enseignant dans cet établissement qui a passé plus de 16 ans sans avoir un prof de philo formé ». Ajoute qu’ « à chaque congés de Pâques, je déplaçais plusieurs enseignants-collègues de la région de l’Ouest pour les cours de remise à niveau, à l’effet de préparer mes jeunes cadets aux examens officiels ». La main sur le cœur, William rassure que les cours de remise à niveau continueront. Il indique être à pied-d’œuvre pour répartir des plus belles en avril prochain. « Je dois le faire pour garder cette proximité avec mes élèves avec qui j’ai gardé de très rapports et aussi pour faire sens aux élites et à la diaspora de Nitoukou qui ont le cœur à l’ouvrage ».
Esprit syndical
Le film des déboires de William un jour du mois d’août 2022. Son récit. « Pendant les vacances, mon proviseur va m’appeler en me disant qu’une mission vient du ministère et cette mission exige la présence d’au moins un censeur et comme j’étais sur place il voudrait que je sois là. Or quand j’arrive je constate que cette mission venait pour moi suite à une plainte de madame
le maire. Les inspecteurs vont sans même me faire lire la plainte me dire oralement que madame le maire se plaint de ce que je critique ses actions. J’ai donc demandé le rapport avec mon travail. Je n’ai pas eu de réponse ». Il fait allusion au fait que la mairesse « a engagé une agression du patrimoine foncier du lycée et j’étais donc un obstacle à évacuer ».
Il est reproché à William son esprit syndical et en tant que leader d’opinion, le fait de critiquer en donnant son avis sur des actions négatives qui retardent le développement de Nitoukou. L’autre fait qu’il juge grave étant le fait que la maire a entrepris de construire une morgue tout près d’un point d’eau, et ce, « contre toute protestation des populations riveraines », fulmine le porte-parole du collectif.