A l’entrée de l’émission de Denis Malanda « Yiza ta moka » semble écrit : « Ici on parle Lari ». Ceux qui y mettent pied, savent à quoi s’en tenir. Du coup, en matière de vitalité de la langue lari, Denis Malanda passe pour un farouche gardien du temple a fortiori à l’heure où la globalisation bat son plein et où les cultures ethniques semblent en difficulté.
Lari décomplexé, Denis Malanda, est au passage, un impressionnant baryton ainsi que le laisse entendre le duo du générique de son émission où il chante en compagnie du talentueux compositeur lariphile Ladislas Arcade.
Rien d’étonnant chez Denis Malanda, chroniqueur musical ( sa deuxième casquette), incollable sur toute la ligne quand il s’agit de la rumba made in Congo-Brazzaville.
« Yiza ta moka » le titre de l’émission ethnolinguistique de Denis Malanda (chroniqueur d’ordinaire apolitique), ouvre le débat sur ce que Côme Manckassa a appelé le dynamisme Lari, une spécificité qui distingue ce groupe, notamment sur le plan économique et religieux.
A titre de rappel, les Kongo-lari sont une société lignagère au système de parenté matrilinéaire. Rares sont les individus kongo qui savent décliner leur généalogie clanique.
L’un des objectifs pédagogiques de l’émission est d’apprendre au sujet Kongo (Ego) de se situer par rapport aux quatre clans (mvila) auxquels il appartient. Les Kongo comptent au total 12 clans.
Il ne demeure pas moins que dans une perspective de domination politique de la tribu-classe d’Oyo, la petite musique égocentrique fredonnée de plus en plus en société Lari serait-elle une façon de dire à ceux qui détiennent les appareils répressifs d’Etat : « vous contrôlez le capital financier, vous n’aliénerez pas notre capital culturel » ?
Les mauvaises langues parleront d’intégrisme, d’ethnocentrisme, de repli tribal, voire de tribalisme. Elles n’auront pas tort. Car pensez qu’au moment où l’on prône la doxa de l’unité nationale, l’émission « Yiza ta moka » consacrée entièrement au lari sur une chaine YouTube, parait à la fois comme une provocation et une résistance.
Do you speak Lari ?
Quiconque foule l’enceinte de mission « Yiza ta moka » doit parler Lari stricto sensu purgé de mots d’emprunt. C’est une règle impérative.
Reste que cette stratégie exclusive a des effets pervers.
Tsunami anti-Lari
En raison de ce radicalisme langagier dans la ligne droite de « béto na béto », ces derniers temps un cyclone anti-lari déferle sur les réseaux sociaux. Et la chanson égocentrique « Mwana mulari zébi lwata », titre nombrilique qui fait fureur dans les fêtes sapologiques parisiennes, n’arrange pas les choses.
Chose curieuse, les attaques lariphobes, d’habitude intra muros, proviennent désormais (aussi ) de l’autre côté du fleuve, en RDC. En un effet un ticktokeur du Congo Démocratique s’en est violemment pris aux Laris de Brazzaville auxquels il dénie, ipso facto et ex abrupto, les racines Bantou car selon lui ce peuple serait d’origine tchadienne. Pour l’influenceur kinois, (antisémite primaire car selon Hervé Mahickat les Laris sont des Juifs Noirs), non seulement ces Laris viennent d’ailleurs mais en plus ils sont xénophobes. (Allusion faite à l’opération Mbata ya Bakolo pourtant déclenchée par Jean-François Ndenguet sous l’œil approbateur de Sassou, deux sujets Mbochi.)
C’est le monde à l’envers. L’amalgame de ce compère kinois anti-lari épidermique relève de la méconnaissance de l’histoire ancienne et récente du Congo-Brazzaville et de l’Afrique en général.
Et notre youtubeur misanthrope de conclure que les Laris ne méritent pas d’être au Pouvoir au Congo après Sassou et que d’ailleurs eux les Kinois mettraient toute leur énergie en jeu pour que cela n’arrive pas. Que Sassou ait des fans parmi les victimes de l’opération Mbata, c’est le comble du paradoxe.
Paradoxalement c’est ce type de perspectives laricide qui semblent donner du zèle et des ailes à l’exaltation des poolistes comme Denis Malanda l’exprime dans l’émission « Yiza ta moka ». La chaine affiche une audience himalayennes en milieu congolais. Yiza ta moka en est à la saison 2 (ce qui est un gage de succès).
Lari pur et dur
La dernière émission diffusée dimanche 15 décembre 2024 a porté sur l’attitude de la femme dans la structure conjugale. L’invitée sur l’idéal-type féminin au foyer a été Florence Mankou, artiste congolaise résident en Belgique. La chanteuse n’a pas été invitée par hasard. 1-Elle parle un lari châtié, 2- elle est autrice d’un titre significatif sur le mariage (chanté en lari, bien entendu) enregistré aux studio de Fredy Kébano à Bruxelles.
Les précédentes émissions Yiza ta moka sur le groov, le dynamisme et l’identité du Pool ont connu un invité inattendu (l’artiste Mountouari Côme alias Kosmos), ainsi que l’historien Joachim Maloumbi, un spécialiste du champ matrimonial kongo-lari, en tandem avec Mme Mokono, redoutable kongologue. Joachim Maloumbi a développé une profonde rhétorique sur le sens des noms propres chez les Kongo. Les notions de lignage et de clan, les Mvila Kongo préoccupent Denis Malanda. Les mvila ont fait l’objet d’un tube inoxydable de Kosmos (Tata Mbiémo). Ce titre où il décline sa généalogie clanique est souvent entendu au moment des crises existentielles du sujet Kongo qui vient de Mbanza Kongo et non du Lac Tchad. Ya Côme a été invité chez Yiza ta moka afin d’en expliquer les dynamiques et le mode de transmission et d’appartenance clanique. L’école de l’enfant Kongo est le Mbongui, première Institution du savoir anthropologique et ontologique.
Autre paradoxe : notons que Ya Côme, légende de la musique congolaise qui parle Lari comme Molière la langue française est un puissant compositeur lingalophone. De quoi donner raison à ceux qui disent que le lingala est une langue kongo.
Couleurs de nos langues
Vivant en France (pays de Victor Hugo) que Denis Malanda soit farouchement attaché à la langue de Matswa (le Lari), il s’agit d’une posture décomplexée de l’identité ethnique. Ceux qui adhèrent à son concept vivent une réelle idéologie du néologisme Lari « le goût de ça. »
Il serait excitant que les autres groupes ethniques congolais emboitent le pas à Denis Malanda en donnant et partageant aux autres le goût de leur langue.