Sa candidature aux législatives du 29 décembre a été rejetée, mais le puissant secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS), soutien du président Mahamat Idriss Déby Itno, n’a pas encore dit son dernier mot.
L’annonce avait fait l’effet d’un coup de tonnerre au Tchad. Mi-novembre, l’Agence nationale de gestion des élections (Ange) accusait Mahamat Zen Bada, 65 ans, d’avoir produit un faux casier judiciaire. Tête de liste du Mouvement patriotique du salut (MPS) dans la région du Guéra et ancien directeur de campagne du président Mahamat Idriss Déby Itno, Zen Bada se retrouvait ainsi empêché de se présenter aux élections législatives du 29 décembre.
Si cela a surpris, à N’Djamena, c’est parce que Mahamat Zen Bada était une figure bien connue de la scène politique tchadienne, qui a longtemps évolué dans le sillage d’Idriss Déby Itno, au pouvoir de 1990 à 2021, avant de rallier son fils, porté à la tête du pays après la mort de son père.
Dans le sillage du père puis du fils
Engagé très jeune en politique, il a profité de la proximité de son grand frère, Maldom Bada Abbas, avec Idriss Déby Itno pour se faire une place au sein du MPS (au pouvoir). C’est ainsi qu’il prend la tête du Rassemblement des jeunes du parti (RJ/MPS). Quelques années plus tard, en 1999, Mahamat Zen Bada est nommé conseiller à la présidence. De 2002 à 2007, il occupe plusieurs postes ministériels : la Culture d’abord, puis la Jeunesse et les Sports en 2002, la Décentralisation en 2004 et l’Intérieur en 2005.
En 2007, il devient le maire de N’Djamena. Surnommé « Demolition man » ou encore « le maire bulldozer », il fait détruire des maisons dans certains quartiers de la capitale pour que des routes puissent y être tracées. Ces opérations de déguerpissement marqueront durablement son image.
Un habile directeur de campagne
Son ascension se poursuit. En 2011, il participe à la réélection d’Idriss Déby Itno. De 2016 à 2021, il est le secrétaire général du MPS puis, en juillet 2018, il est nommé président du Cadre national du dialogue politique (CNDP). Il officiera ensuite comme le directeur de campagne du président sortant pour l’élection présidentielle de 2021.
La situation se complique après la mort du maréchal. Voici qu’il est combattu en interne, au MPS. Alors qu’il se trouve en France pour des soins, son adjoint convoque un congrès extraordinaire. Il finit par être remplacé à la tête du parti par Haroun Kabadi, le président du Conseil national de transition (CNT).
Le 27 janvier 2023, Mahamat Zen Bada rentre au pays. En novembre de la même année, il est promu au grade de contrôleur général de la police par décret, et de nouveau choisi pour diriger une campagne : celle qui permettra au oui de l’emporter à l’issue du référendum constitutionnel de décembre 2023.
Pour préparer la présidentielle du 6 mai dernier, Mahamat Zen Bada reprend les rênes du MPS, qui le désigne de nouveau secrétaire général lors d’un congrès extraordinaire au début de l’année 2024. Il sera ensuite directeur de campagne de Mahamat Idriss Déby pour la présidentielle de mai 2024. « Son » candidat l’emporte, Zen Bada pense déjà à la suite. Il lorgne les législatives.
Gracié, pas amnistié
Mais qu’est-ce qui a poussé l’Ange à bloquer sa candidature ? L’instance en charge de l’organisation des scrutins lui reproche d’avoir omis de mentionner une « condamnation à cinq ans d’emprisonnement ferme et 10 millions de francs d’amende […] pour faux et usage de faux en écritures publiques et détournement des deniers publics ».
Les faits remontent à 2012. À l’époque, Zen Bada avait été mis aux arrêts avant d’être condamné par la Cour criminelle. « Je suis victime d’un système que j’ai aidé à mettre en place », s’était-il défendu au cours de l’audience. Pour cette condamnation, il a bénéficié d’une grâce présidentielle, mais pas d’une amnistie. Elle subsiste donc sur son casier judiciaire et l’empêche de se porter candidat.
Son avenir politique est-il définitivement obscurci ? Bien qu’empêché de se présenter, il conserve une chance de siéger au sein du prochain Parlement. Il appartiendra en effet à Mahamat Idriss Deby, ce président que Zen Bada a soutenu bec et ongles et pour lequel il a fait campagne avec succès, de nommer un tiers des sénateurs.
Jeune Afrique
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