La rétrocession, par la France ce 30 janvier, de la base Sergent-Adji-Kossei aux autorités tchadiennes solde définitivement une présence militaire de plusieurs décennies au Tchad. Place à une nouvelle coopération entre les deux pays.
Le feuilleton ne s’est pas étiré en longueur. Aucune phase de pourrissement des relations diplomatiques entre le Tchad et la France n’a été visible du grand public ; la décision tchadienne de « mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française » a semblé subite ; et la date butoir du retrait – le 31 janvier –, qui paraissait précipitée, a été respectée. C’est même la veille de l’échéance que la France a concrètement répondu à l’injonction.
C’est d’ailleurs dans une certaine sobriété communicationnelle que l’armée française a rétrocédée, le 30 janvier, la base Sergent-Adji-Kossei de N’Djamena. Comme l’indique un communiqué officiel de l’état-major général des armées tchadiennes relayé par la presse, « les trois bases des éléments français au Tchad sont toutes rétrocédées à l’armée nationale tchadienne ».
Opexs à répétition
L’évènement est historique, si l’on considère que l’accord de défense qui liait N’Djamena à Paris datait de 1976. Pour la France, le Tchad a longtemps été un pilier stratégique dans la région du Sahel, voire sa place forte en Afrique francophone. Le pays a régulièrement été le théâtre d’opérations extérieures françaises (Opex), nommées Limousin, Bison, Tacaud, Manta et Épervier. Celles-ci ont souvent été considérées comme les planches de salut des régimes d’Hissène Habré puis d’Idriss Déby Itno.
Si la prise de distance avec la France et son armée semble « tendance » en Afrique francophone, la coopération sécuritaire de Paris avec N’Djamena n’a pas été marquée par le caractère inopiné des renversements de régimes du Mali, du Burkina Faso ou du Niger. Mais Mahamat Idriss Déby Itno a succédé au pied levé à Idriss Déby Itno et « le Tchad a grandi », selon les propres mots des autorités tchadiennes.
Changement de braquet ou de fusil d’épaule ?
Avec le retrait parallèle de militaires français de Dakar et de Port-Bouët, l’Histoire au moyen cours devrait donner de la perspective à cette séquence tchadienne de deux mois et deux jours. Le changement de braquet dans les relations Tchad-France est-il un changement de fusil d’épaule ? La rupture chirurgicale préfigure-t-elle une adhésion du pays sahélo-saharien à la confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES) ? Un ou plusieurs autres partenaires diplomatiques et sécuritaires bilatéraux s’imposeront-ils dans l’espace resté vacant par la France ?
L’heure est à l’évident jargon d’usage. Pour N’Djamena, les trois bases rétrocédées seront souverainement gérées par le Tchad lui-même. Pour Paris, par la voix du porte-parole du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères à RFI, « ce n’est absolument pas la fin de la coopération avec le Tchad en matière militaire ».
Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique
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