Le rejet croissant de la France en Afrique n’est pas qu’un simple « sentiment antifrançais » alimenté par des manipulations étrangères. Une étude approfondie, menée par Tournons la Page et Sciences Po-CERI, dévoile des perceptions complexes et des critiques politiques structurées émanant de plus de 500 activistes africains. Ces réflexions dépassent largement les clichés souvent relayés dans les médias français.
Une critique massive mais argumentée
Selon le rapport intitulé De quoi le rejet de la France est-il le nom ?, le rejet de la politique française en Afrique est « massif et quasi unanime » parmi les militants interrogés. Cependant, ces critiques s’ancrent dans des analyses politiques sérieuses :
– Souveraineté nationale : La domination perçue de la France sur l’économie africaine, à travers le franc CFA ou le contrôle des ressources, est largement dénoncée. Un activiste gabonais souligne : « On est vraiment souverain lorsqu’on gère nos ressources. »
– Inadaptation sécuritaire : 78 % des participants estiment que la France n’est pas un partenaire fiable en matière de sécurité. Contrairement à la Russie, perçue comme plus efficace, Paris est critiquée pour limiter l’armement des armées locales.
– Critiques culturelles et politiques : Les concepts occidentaux, comme la démocratie ou les droits humains, sont parfois jugés inadaptés aux réalités africaines. Un Béninois explique : « Ce n’est pas un rejet des Français, mais d’un système d’ingérence. »
Une fracture avec les discours français
Le rapport met en lumière un décalage profond entre les récits dominants en France et les perceptions des Africains. Les médias français, accusés de biais, sont critiqués pour maintenir un « trop-plein d’attention » sur eux-mêmes, alors que les activistes réclament davantage de respect pour leur autonomie.
Un point de friction majeur réside dans l’hégémonie culturelle. Des participants dénoncent l’influence occidentale dans les médias, les manuels scolaires et même les valeurs sociales. Ces critiques s’étendent jusqu’à la question des droits LGBTQ+, souvent perçus comme des « importations occidentales », alimentant des débats houleux au sein des sociétés africaines.
Vers un nouveau souverainisme africain
L’étude appelle à une révision des relations franco-africaines, fondée sur l’écoute et le respect mutuel. Ce « nouveau souverainisme », qui ne rejette pas les citoyens français mais critique un système perçu comme oppressif, invite la France à adopter une posture plus humble.
Le rejet de la France en Afrique n’est donc pas une simple rébellion irrationnelle, mais bien l’expression d’une quête de souveraineté, de justice économique et d’une gouvernance mieux adaptée aux réalités locales.