D’ordinaire, nous n’accordons pas autant d’importance aux déclarations des groupes sociaux, mais cette fois-ci, la gravité de la crise qui secoue le pays nous y oblige. Cette semaine, nous avons reçu une lettre ouverte adressée au Secrétaire général de l’Organisation des États Américains (OEA), M. Albert Ramdin, signée par Josué Mérilien, Camille Chalmers et Henry Boisrolin et appuyée par une multitude d’organisations, dont la majorité soutient l’Accord du Groupe Montana et de l’Accord du 3 avril 2024. À la lecture de cette lettre, on s’interroge sur les véritables motivations des auteurs et signataires de cette initiative qui semble être une manœuvre sans fondement. S’agit-il d’une façon de confirmer leur existence, de montrer qu’ils sont toujours présents sur la scène politique ? Ou se préparent-ils à reprendre du service actif, ce d’autant plus que, la mission du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) touche bientôt à sa fin ?
La plupart, sinon la totalité, de ces organisations soutiennent ce CPT, inefficace et incompétent, créé par l’impérialisme américain pour perpétuer sa domination sur le pays. D’abord, ce qui nous surprend dans cette lettre, c’est que ces organisations semblent faire l’expérience de l’OEA pour la première fois, autrement dit, elles viennent de découvrir l’un des instruments de la projection géopolitique de Washington en Amérique latine et dans les Caraïbes. Cette OEA que Fidel Castro avait rebaptisée en 1962 « Ministère des Affaires coloniales des États-Unis ». Ce n’est pas sans raison que Cuba, le Venezuela et même le Nicaragua ne sont plus membres de cette sinécure ; ils se sont distanciés de cette mascarade acquise au fascisme américain. Dans cette crise, il semblerait que ces organisations souhaitent faire de l’OEA un partenaire d’Haïti, espérant en tirer profit.
Est-ce un hasard si dans cette lettre adressée à l’OEA, le CPT, qui collabore avec cet organisme sans aucun problème majeur, n’est ni mentionné ni critiqué. Rien non plus à propos de l’ambassadeur américain à Port-au-Prince, Henry T. Wooster, qui fait office de Gouverneur. Pourtant, il a forcé ces marionnettes au pouvoir à annoncer des élections imminentes pour maintenir le statu quo sans qu’aucun changement fondamental ne soit à espérer. C’est bien beau de donner des leçons d’histoire à Ramdin, mais ne vaudrait-il pas commencer par vous remettre en question avant de faire la leçon aux autres ? D’ailleurs, si l’OEA ne respecte pas le récit historique de la première nation africaine libre et indépendante du continent américain, qui en est responsable ? Justement, c’est la faute aux dirigeants politiques haïtiens d’hier et d’aujourd’hui qui prennent leurs ordres de Washington au lieu de défendre cette indépendance à laquelle vous faites allusion.
Tous ces traitres de la classe politique se sont toujours comportés comme des agents de l’impérialisme. Traitres au même titre que Juda et Conzé qui pensaient tirer profit de leur trahison. Au lieu de défendre les droits de la République d’Haïti à se disposer d’elle-même, ils agissent de connivence avec toutes les administrations américaines. Bien souvent, ce sont ces mercenaires politiques que les Occidentaux utilisent pour leurs basses besognes dans le pays : coups d’État, assassinats politiques, sabotage économique et autres actes antipatriotiques contre la nation. Certes, nos ancêtres ont œuvré, mais qu’avez-vous fait vous-mêmes pour mériter le respect des institutions internationales ? Tandis que vous vous comportez comme des charlatans politiques, des sous-hommes sans colonne vertébrale. L’impérialisme vous a choisis comme ses sbires, des instruments pour démanteler votre propre pays aux dépens de votre peuple, et vous vous attendez à être respectés ?
La question qu’on a le droit de se poser est la suivante : vous, politiciens haïtiens, de droite comme de gauche, qu’avez-vous fait depuis trente, quarante ans pour combattre cette colonisation planifiée ? N’éprouvez-vous pas de la honte lorsque, le 31 janvier 1962, lors d’une réunion spéciale de l’Organisation des États Américains (OEA) à Punta del Este, en Uruguay, le ministre des Affaires Etrangères d’Haïti, René Chalmers a voté pour l’exclusion de Cuba de cette organisation continentale ?
La crise évoquée dans la lettre est, bien sûr, une construction intellectuelle pour attirer la sympathie de l’OEA. Mais la classe politique est responsable, sinon la principale coupable, du mépris porté à la dignité du peuple haïtien et d’Haïti en particulier. Il est du devoir de tout dirigeant d’un État de protéger son peuple contre toute forme de persécution étrangère. Refuser de le protéger ouvre la porte à toutes sortes d’actions l’empêchant de progresser ou de mener une lutte efficace contre ses ennemis. Toutes les promesses et les farces de nos ennemis ont été approuvées et mises en œuvre sans aucune contrainte. La simple mention de la puissance coloniale suffit aux classes dirigeantes pour donner leur accord, au mépris de l’intérêt de la nation et souvent pour des miettes, et surtout pour s’assurer les faveurs des États-Unis parfois symbolisés par une visite ou une nuit à Washington DC.
En réalité, cette lettre à l’OEA vise uniquement à appuyer la demande du gouvernement actuel de collaborer avec l’OEA plutôt que d’exercer un contrôle direct sur lui. Cela se manifeste clairement par son soutien à Myrtha Desulmé, représentante permanente d’Haïti auprès de l’Organisation des États américains (OEA), qui a soulevé des questions concernant la feuille de route de l’OEA. L’ambassadeur par intérim Josué Dahomey le mercredi 20 août 2025, lors d’une session ordinaire du Conseil permanent de l’OEA a renforcé la position du gouvernement haïtien en disant que : « Nous devons commencer par nous écouter les uns les autres. Nous devons commencer par écouter les autorités haïtiennes ; nous devons commencer par écouter le peuple haïtien. C’est notre seule garantie de succès commun.» La lettre insiste sur le fait que la solution doit être une solution haïtienne. Mais qu’est-ce qui les empêche de mettre en œuvre une telle solution haïtienne, sinon leur dépendance, leur attente d’une autorisation impérialiste ?
Le malaise social qui règne dans le pays découle de l’incapacité des classes dirigeantes et de leur soumission aux ennemis du peuple et de la nation. Cette situation explique la méfiance du peuple envers ces politiciens, qui tentent d’apaiser le mécontentement populaire, de peur qu’il n’atteigne toutes les couches de la société. A quoi donc peut servir d’écrire au Secrétaire général de l’OEA, sans mobiliser les masses et les entrainer à la révolte ?
À ce tournant de la lutte populaire, ce n’est pas ce genre d’initiative, une simple fantaisie littéraire, qu’attendaient les masses souffrantes qui rêvent des moyens de stopper l’agresseur impérialiste et leurs valets sur place. Ce n’est pas non plus ce à quoi s’attendaient les ouvriers et les paysans de Petit-Goâve, victimes de négligence étatique et d’exploitation effrénée du patronat, auxquelles le récent ouragan Melissa vient de porter le coup de grâce. Ni ces familles qui, aujourd’hui encore, ne peuvent scolariser leurs enfants, elles non plus ne cherchent pas des solutions superficielles, fondées sur le compromis ou la complicité, ni sur une quelconque reconnaissance de l’OEA, mais une solution révolutionnaire capable de les sortir définitivement de cette stagnation. Nombreux de ceux qui ont signé ou approuvé cette manœuvre dilatoire, occupent des postes au sein du gouvernement et du CPT. Ces illusionnistes politiques ne font que profiter de la faiblesse de la lutte pour en faire fortune.
C’est dire que ces gens vivent dans un autre monde ; soit ils ignorent ce qui se passe dans le pays, soit ils ne le comprennent pas, soit ils refusent de le comprendre. La conclusion majeure qui se dégage de ce qu’ils viennent d’offrir au peuple est sinistre, et qu’ils considèrent eux-mêmes comme une victoire compte tenu de la publicité et de l’enthousiasme qui entourent sa diffusion, illustre le fait que ces petits-bourgeois se moquent tout simplement de la lutte des masses. Au lieu d’écrire à l’OEA ou aux Nations-Unies qui ne seront jamais des alliées, mais plutôt des ennemies déclarées des classes prolétariennes, ne vaudrait-il pas mieux de s’adresser aux habitants des bidonvilles et des ghettos, pour leur annoncer que ces organisations viendront se joindre à leur lutte contre le système capitaliste ? Ce peuple, impatient de libérer le pays du contrôle politique et économique occidental. Ce peuple portant en lui le symbole de sa soif ardente de dignité et de souveraineté.
Non, l’OEA n’est pas une alliée, elle est bien l’ennemie du peuple haïtien car complice assumée de l’impérialisme !


