Un contentieux semble naître entre Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, archevêque de Brazzaville, et Brice Landry Decaux , l’animateur de l’émission La Matinale sur Ziana TV.
Bien qu’il soit inutile d’opposer les deux parties, prenons le parti de le faire.
L’Église et l’État : Une relation complexe
Dans les Écritures, la visite de Jésus chez Zachée, collecteur d’impôts et collaborateur du pouvoir romain, suscita l’indignation d’une partie du peuple d’Israël (Luc 19:1-10).
La complexité des interactions entre autorités religieuses et pouvoirs temporels oscillent entre coopération et conflit.
Certains épisodes, tels que le rôle des évêques dans la lutte pour la justice sociale ou leur participation au dialogue politique, démontrent leur implication dans les affaires publiques.
Mais des cas de collusion ou d’indifférence à l’égard des souffrances des populations ont aussi terni cette relation.
À l’attention de Mgr Manamika : L’importance d’une communication structurée
Mgr Manamika, votre rôle pastoral est de guider spirituellement et moralement vos fidèles. Cependant, il est important de souligner que l’absence d’un porte-parole officiel au sein de l’archidiocèse peut engendrer des incompréhensions.
Il n’appartient pas à un archevêque de répondre directement à toutes les accusations ou controverses, fondées ou non, par le biais d’homélies ou de déclarations publiques.
Une telle approche peut paraître défensive et fragiliser la position de l’Église dans l’opinion publique.
L’instauration d’un service de communication dédié permettrait de répondre de manière professionnelle et apaisée aux interrogations, en évitant que le débat se polarise.
Un message pour notre confrère de La Matinale
Cher confrère, votre émission La Matinale est une plateforme importante pour informer et éveiller les consciences.
Cependant, il est essentiel que la passion ne prenne pas le dessus sur la rigueur journalistique.
Une critique excessive ou mal étayée peut rendre vos propos difficiles à accepter et réduire leur impact.
Concernant la décoration de la basilique Sainte-Anne lors du mariage de Hugues Henry Ngouélondélé, deux points méritent d’être clarifiés.
Le montant de 300 millions FCFA :
Si ce montant a été versé à la paroisse, une réflexion éthique et morale s’impose, non seulement sur l’origine des fonds, mais aussi sur la manière dont la famille présidentielle semble déployer des dépenses ostentatoires, alors que la majorité des populations congolaises vivent dans une misère accablante.
L’exemple du Kenya illustre bien cette vigilance : l’Église catholique a refusé une somme de 5 millions de shillings (environ 40 000 dollars), offerte par le président de la République pour la construction d’un nouveau presbytère dans la paroisse de Soweto, estimant que ce don présidentiel pouvait prêter à suspicion.
La relation entre l’Église et la famille présidentielle qu’elle soit bonne ou mauvaise est complexe et peut présenter des dangers.
Lorsqu’elle est harmonieuse, elle peut être perçue comme une collusion, mettant en doute l’indépendance et la crédibilité morale de l’Église.
À l’inverse, lorsqu’elle est conflictuelle, elle risque de polariser les fidèles et d’affaiblir le témoignage évangélique.
L’exemple de Jésus acceptant d’être l’hôte de Zachée montre que cette relation peut être un lieu d’engagement pour le bien commun, à condition qu’elle soit fondée sur la vérité et l’intégrité.
Toutefois, il est légitime d’interroger l’engagement de l’Église auprès des populations.
Si certains estiment que les évêques ne plaident pas suffisamment la cause des populations, il convient de rappeler qu’ils publient chaque année des lettres pastorales qui exhortent à des changements dans la vie politique et sociale.
Pour une compréhension mutuelle
Ce contentieux entre Mgr Manamika et Brice Landry Decaux invite à une réflexion plus large sur la nécessité de bâtir des relations saines et constructives entre l’Église, l’État et les médias.
L’Église a un rôle prophétique à jouer, non pas en s’isolant ou en s’alignant sur le pouvoir, mais en restant fidèle à sa mission : promouvoir la justice et la dignité humaine.
Quant aux médias, leur mission est d’informer avec objectivité, tout en évitant des attaques personnelles qui risquent d’enflammer les débats au lieu de les éclairer.
Chacun doit contribuer à apaiser les tensions pour mieux servir la vérité et le bien commun.
Cependant, une seule solution peut éclairer la question des financements des actions de l’Église provenant de l’État ou de la famille présidentielle : l’instauration d’une loi encadrant le financement des initiatives sociales de l’Église par l’État.
En effet, dans de nombreuses localités, y compris dans les grandes villes, l’Église pallie souvent les insuffisances du gouvernement.
Nous développons cette proposition dans notre ouvrage « Kongo Ya Sika : Et si nous créions notre propre démocratie. »
Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain