Un socialiste deviendra-t-il maire de la capitale du capitalisme? New York est au seuil d’un séisme politique maintenant que le socialiste démocrate Zohran Mamdani arrive, de façon surprenante, en tête dans les sondages pour la mairie. Toutefois, sa plateforme radicale a déclenché une sournoise campagne de diffamation de l’élite établie, qui dépense des millions pour stopper cette menace à son pouvoir.
New York, une ville de 8 millions d’habitants, est sur le point d’écrire l’histoire. Car, selon les derniers sondages pour les élections à la mairie du 4 novembre, Zohran Mamdani devance largement ses adversaires.
C’est remarquable pour une figure qui ne correspond pas au cadre politique traditionnel des États-Unis. Mamdani, 33 ans, est un socialiste démocrate déclaré. Il est un musulman pieux et a des origines indiennes. Il est né en Ouganda mais a grandi à New York.
Plateforme et attractivité
La plateforme de Mamdani est axée sur la crise de l’accessibilité financière à New York et s’oppose aux intérêts de l’immobilier, de la finance et des grandes entreprises. Ses propositions populaires comprennent des lignes de bus gratuites, des supermarchés municipaux, un impôt sur les riches, des crèches gratuites, un ambitieux programme de logement et un salaire minimum de 30 dollars.
Ce menu « progressiste » a mis la classe capitaliste en mode alerte dès le début. D’autres thèmes importants de sa campagne, qui ne plaisent pas à l’establishment, concernent de grandes questions internationales. Mamdani est un partisan déclaré de la cause palestinienne, combat l’islamophobie et a dit qu’il ferait arrêter le Premier ministre israélien Netanyahu s’il visitait New York, par respect pour le droit international.

Opposition
Mamdani a peu d’expérience politique, n’a derrière lui aucun empire médiatique et son budget de campagne pâlissait face à celui de ses adversaires. Mais grâce à une campagne de base rassemblant plus de dizaines de milliers de bénévoles, il a réussi à conquérir le cœur des jeunes et des travailleurs new-yorkais. Mamdani représente donc un changement générationnel dans la politique des États-Unis.
L’élite du pouvoir établie a toutefois décidé qu’elle n’a pas l’intention de se rendre à une réforme du système politique au nom de la véritable démocratie. La victoire de Mamdani aux primaires a déclenché la campagne de diffamation la plus insidieuse depuis des années. Les opposants utilisent ouvertement le racisme, l’anticommunisme et une islamophobie grotesque.
Sur sa plateforme de médias sociaux Truth Social, Trump a traité Mamdani de « Fou communiste à 100 pour cent ». D’autres prétendent qu’il veut introduire la charia, qu’il accueillerait une nouvelle attaque du 11 septembre, et que son élection serait un danger pour les Juifs partout.
Trump a traité Mamdani de « Fou communiste »
Au sein même du Parti démocrate, il y a aussi pas mal d’opposition à ce « socialiste ». Le maire en fonction, Eric Adams, ne soutient pas Mamdani et bon nombre de Démocrates soutiennent même ouvertement Andrew Cuomo, un ancien gouverneur Démocrate qui se présente comme candidat indépendant à ces élections.
La campagne de Cuomo a publié une vidéo générée par IA avec des caricatures racistes de « criminels pour Mamdani ». Selon le magazine économique Fortune, 26 milliardaires, dont Michael Bloomberg, ont investi plus de 22 millions de dollars dans la campagne contre Mamdani.
Il y a deux raisons principales à cette opposition féroce. Les points du programme social de Mamdani touchent directement au pouvoir établi : ils brisent la mainmise du capital sur la politique new-yorkaise.
Son élection possible – un musulman aux positions clairement pro-palestiniennes à la tête de la plus grande ville juive du pays – réduirait en outre davantage l’influence du lobby sioniste. Il a par exemple déjà mis au jour le lien de formation remarquable entre la police de New York (NYPD) et l’armée israélienne.
La résistance ne s’arrête pas non plus à la rhétorique électorale. La direction fédérale menace de retirer des fonds et même de déployer des troupes si Mamdani gagne. De telles menaces s’inscrivent dans une longue série de tentatives pour museler les administrations municipales progressistes.

Leçons pour la gauche
Mardi 4 novembre, le choix se fera. Les sondages sont favorables, mais rien n’est acquis tant que ce n’est pas compté. Une chose est toutefois certaine : le mouvement qui a porté Mamdani continuera après le 4 novembre — à l’hôtel de ville, ou de nouveau dans la rue.
Quel que soit le résultat, cette campagne électorale montre aussi qu’une ligne résolument de gauche peut enthousiasmer les électeurs, même dans un contexte de domination médiatique par l’élite et d’une opposition financière écrasante.
La campagne de base prouve que la mobilisation par le bas, avec un message clair autour de l’accessibilité des services publics et de la justice économique, constitue une alternative puissante au « réalisme modéré » auquel beaucoup de partis progressistes adhèrent encore.
Pour la gauche aux États-Unis et en Europe, cela offre d’importantes leçons. Au lieu de constamment mettre de l’eau dans leur vin ou de reprendre la rhétorique de droite par peur d’une perte électorale au profit de l’extrême droite, Mamdani montre que les électeurs aspirent justement à la clarté, à la conviction et à un véritable changement. L’élection du président ouvertement de gauche de l’Irlande en est une confirmation.
En France, LFI pense qu’une campagne électorale résolument de gauche comme celle de Mamdani peut enthousiasmer les électeurs…
Le succès de Mamdani auprès des jeunes électeurs, des nouveaux venus, des groupes à faibles revenus et même d’anciens électeurs de Trump suggère que la politique de gauche ne devient réellement attractive que lorsqu’elle ose rêver et organiser.
Il est donc temps que les partis progressistes sortent de leur coquille. Il ne s’agit pas de polariser pour polariser, mais bien d’avancer avec une vision positive et sociale qui parte de ce dont les gens ont besoin – et non de ce que les marchés ou les milliardaires attendent. La gauche n’a pas besoin de marcher sur des œufs, pourvu qu’elle ose défendre ce pour quoi elle dit se battre.
Investig’Action 4 novembre 2025


