Pour poursuivre l’esprit de Strecke, actif de 2016 à 2022, une poignée de personnes ont travaillé sur un livre, un véritable objet artistique en soi. Il est verni officiellement samedi à Friart, à Fribourg, avec bien sûr du son en live.
Dans cette image du livre Strecke Records Archives 16-22, on sent aussi l’esprit du collectif… © DR
Publié le 25.07.2024
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Strecke est une aventure qui a duré six ans, de 2016 à 2022. Sur son logo, il avait barré son nom pour souligner son envie de faire autrement. C’était le blase d’un label fribourgeois de musiques électroniques ayant signé une quinzaine d’artistes et produisant des podcasts avec des interviews de DJs et d’artistes.
Mais ce collectif a aussi organisé des soirées, permis des échanges humains, développé une créativité pluridisciplinaire ouvrant un champ exploratoire audacieux. Une liberté portée par une poignée de jeunes ayant envie de faire bouger la place autour desquels a gravité tout un public friand de culture underground. Leur repaire: un appartement sous-loué à la route de la Fonderie, à Fribourg.
Comme un fanzine
Strecke s’est arrêté d’un commun accord, et toute la bande qui composait ce collectif est restée proche. Et pour tirer un trait – final, celui-ci? –, ces amis sortent un livre, Strecke Records Archives 16-22, un magnifique objet artistique fabriqué au CRIC, à Marly. Des photos, des archives, des QR codes pour écouter du son, une mise en page débridée comme celle d’un fanzine, du travail artistique sur les planches d’impression: c’est toute la créativité du label fribourgeois qui transparaît dans cet ouvrage.
Il est verni officiellement samedi à Friart, lors d’une soirée qui propose également de la musique en live grâce à YuraChaim, Caterina De Nicola, OBC, StaStava, miyroare et Divine Mécanique.
L’ouvrage s’ouvre avec une présentation textuelle, racontant Strecke de la naissance du projet autour de passionnés de musique à son arrêt après les difficiles années de pandémie et la dynamique essoufflée par le manque de moyens. Puis on trouve parmi ces mots concis comme des haïkus ceux de Laurence Wagner, directrice du Belluard Bollwerk, et de Duex du Bad Bonn. Ensuite c’est une plongée visuelle dans les soirées, la rencontre avec des visages de fête, des atmosphères, des accrochages et des performances.
«Zone grise»
«Quand le Mouton Noir a fermé, nous avons eu besoin d’un lieu d’expériences collectives. Nous avons repris cet esprit dans nos locaux de la route de la Fonderie. Nous avons répondu à un besoin. L’entrée était libre ou son prix était libre, nous travaillions avec le système D, nous étions dans une zone grise légalement», explique Thibault Villard, un des membres du collectif. «Ce livre n’est pas une rétrospective de ces années mais leur continuité, leur célébration, une trace visuelle de cette mémoire collective.»
Le collectif a permis à cette génération de se fixer ses propres règles, d’imaginer les soirées comme elle l’entendait, sans devoir coller aux pratiques institutionnelles, de décliner 50 nuances de zone grise pour y tracer son chemin. Ces jeunes gens y ont découvert le monde de l’organisation d’événements, le graphisme, la communication, la gestion…
«Nous avons été bénévoles pendant sept ans. La priorité a toujours été de défrayer les DJs et les artistes», poursuit Thibault Villard. Qui indique que la plupart des membres du collectif continuent de travailler dans le milieu culturel. Les artistes signés par le label ont aussi poursuivi leur voie. «Ils sont chez d’autres labels ou ils ont trouvé d’autres opportunités professionnelles», souligne le jeune homme.
«Ce livre n’est pas une rétrospective de ces années mais leur continuité, leur célébration, une trace visuelle de cette mémoire collective»
Thibault Villard
Avec cet ouvrage, ces jeunes veulent montrer aux suivants que c’est possible. «Ce livre est une manière de donner de l’espoir à une génération qui a connu le coronavirus. Nous avons besoin d’espaces pour expérimenter librement à Fribourg», martèle Vasco Tognola, qui a travaillé sur le livre. «Nous voulons juste avoir un endroit où on nous fait confiance pour la culture underground», ajoute son compère Flavio Da Silva.
Car Thibault Villard tire la sonnette d’alarme: «Il y a une forme d’urgence. Nous assistons à une gentrification des politiques culturelles, qui deviennent bobos et basées sur le marché et la rentabilité. Dans nos soirées, il y avait une volonté d’être populaire, avec des gens qui venaient de la ville et de la campagne, qui écoutaient des styles de musique différents, ça se mélangeait beaucoup. On faisait juste un truc hors des sentiers battus pour pas cher, dans un endroit cool, où on apprenait. Je pense que tout ça doit rester assez punk, et un peu intello aussi. C’est important de soutenir cela, sinon tout devient normé.»
>Vernissage samedi de 19 h à 2 h à Friart, Fribourg.