La saison cyclonique officielle est déjà bien entamée. S’étend du 1er novembre au 15 mai 2025, nous l’avons échappé belle avec le premier cyclone de la saison Bheki la semaine passée. S’il menaçait sérieusement la région, il a perdu en intensité en cours de route, causant quelques légers dégâts lors de son passage sur Rodrigues. Avec l’été qui s’installe résolument sous les tropiques, comment sera le temps ? Et surtout comment sera la période cyclonique, qui demeure le risque premier pour l’île, dans un contexte climatique peu réjouissant ?
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Maurice est située à l’extrémité ouest de la Indian Ocean Cyclone Belt et au milieu du bassin cyclonique du sud-ouest de l’océan Indien, où il est estimé que 11% des cyclones se produisent chaque année. Dans ce bassin, la plupart des tempêtes se forment au nord et à l’est de l’île Maurice. Si ces dernières années les cyclones nous ont fait quelques frayeurs, dont Belal en début d’année, ils restent moins intenses — notamment par rapport à l’intensité des rafales — que ceux du Pacifique, mais demeurent tout aussi ravageurs. « Though storms in the basin rarely reach the same strength as those in the Atlantic or Pacific, they often hit populations that are more exposed and vulnerable to storm damage », comme le souligne la Earth Observatory de la NASA.
Dans son Summer 2024-2025 Outlook la station météo de Vacoas indique que les températures seront légèrement supérieures à la normale au cours de l’été 2024-25, avec des températures qui pourraient dépasser la moyenne mensuelle à long terme de plus de deux à trois degrés Celsius, pouvant même atteindre 35 degrés Celsius par endroits. Le nombre de tempêtes nommées évoluant dans le bassin du sud-ouest de l’océan Indien pour la saison cyclonique 2024-25 devrait se situer entre 11 et 13. Cependant ces cyclones ne constitueront pas nécessairement une menace directe pour Maurice, Rodrigues, Agalega et St-Brandon.
Dans les semaines à venir nous témoignerons d’une dizaine de cyclones dans la région. Le service météorologique national français Météo-France a en effet évalué que, de 1967 à 2013, 13 cyclones se sont approchés à moins de 1° (de latitude ou de longitude) de l’île Maurice (un tous les trois à quatre ans) et 16 (un tous les trois à quatre ans) se sont approchés à moins de 1° de Rodrigues pendant la même période. En 2022, la station de Vacoas avait constaté une tendance à la hausse du nombre de tempêtes qui se sont formées dans la région après 1990, qui s’est accompagnée d’une intensification de la force des tempêtes, atteignant chaque année le seuil de 165 km/h.
Une intensification des cyclones qui ira sans doute crescendo avec le changement climatique et la température de l’eau qui augmente dans l’océan Indien. C’est ce que relève d’ailleurs le centre américain de recherche Stimson, qui a publié le mois dernier le CORVI : Assessing Priority Climate Risks in Mauritius : “Some models project a 20 percent decrease in the frequency of cyclones, but these storms are projected to be 6.5 percent more intense with a 34 percent increase in rainfall rate and 5 percent increase in wave height.” En outre, selon une étude récente intitulée Future Projections for the Tropical Indian Ocean, il est dit que l’océan Indien se réchauffe rapidement et se dirige vers un état de vagues de chaleur marine quasi permanentes, avec 220 à 250 jours de vagues de chaleur prévus par an d’ici 2050.
Les résultats de cette nouvelle recherche, menée par Roxy Mathew Koll, scientifique au laboratoire de recherche sur le climat de l’Institut indien de météorologie tropicale (IITM), à Pune, sont publiés dans un ouvrage récent, The Indian Ocean and its Role in the Global Climate System (l’océan Indien et son rôle dans le système climatique mondial), paru le 26 avril. Il est également l’auteur principal du rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les océans et la cryosphère dans un climat en évolution.
Dans un entretien accordé à un journal indien, le chercheur avance que « dans le scénario climatique actuel, où nous connaissons un réchauffement de 1,2 degré Celsius, des vagues de chaleur marine sont déjà apparues dans l’océan Indien et ne cessent d’augmenter ; à l’heure actuelle, elles durent jusqu’à 20 jours par an ». Et d’ajouter que « ces vagues de chaleur marine prolongées vont non seulement intensifier les cyclones, mais aussi affecter la migration des poissons, les récifs coralliens, les phytoplanctons et la biodiversité marine », a averti M. Koll.
Des recherches sacro-saintes qui attirent l’attention sur la vulnérabilité du pays face aux catastrophes naturelles. Si l’on ne peut contrôler dame nature, il est cependant de notre responsabilité à tous de prendre les décisions qui s’imposent pour limiter voire mitiger les débats en cas d’inondations, notamment.