Près de cinquante ans après la mort de Marien Ngouabi, le dossier est en phase d’entrer dans le chapitre des Enquêtes Impossibles ( du nom de la célèbre émission criminelle de Pierre Bellemare).
Dans ce cas, il y a du révisionnisme dans l’air. En fait depuis que Sassou actionne son lobbysme, il y a comme un parfum de négationnisme qui flotte dans le champ criminel du Congo.
Congo-B. – Ngouabi et Biayenda : « Complexité et difficulté à savoir ce qui s’est passé » . C’est le titre d’une interview de la politologue Florence Pernault au micro de RFI.
La chercheuse française, balayant d’un revers de main les débats de la Conférence Nationale en 1992, estime que les assassinats de Marien Ngouabi et du Cardinal Emile Biayenda demeurent une énigme insoluble. Ce n’est pourtant pas la conclusion à laquelle était arrivée la « Commission Assassinat » sous la direction de Albert Roger Masséma. Jean-Claude Mayima-Mbemba un des membres de la commission en a tiré un livre édité par ICES d’Alain kounzilat.
Nombre de juristes obsédés par le concept de la présomption d’innocence, dicté par le fameux recul critique cher aux épistémologues, sèment le doute dans les esprits comme Robert Faurisson et Henri Roques sur l’existence des Chambres à gaz.
« A qui a profité le crime ? » se demande notre historienne. « A Sassou » concède-t-elle.
C’est lui l’assassin. Mais un flou artistique entoure la scène du crime dès le départ. Ce, d’autant plus qu’un procès, digne de Staline, « démontra » la culpabilité de onze présumés auteurs, donc dédouana Sassou et son Comité Militaire du Parti (CMP).
En 1992, coup de théâtre, les langues se délièrent. A La Conférence Nationale, les potentiels coupables passèrent aux aveux. Un « J’assume » retentit depuis le palais de Mpila où se terrait Sassou. Ce qui dissipa les doutes sur les vrais auteurs des crimes du 18 et du 22 mars 1977. Les assassins étaient dans la salle de la Conférence Nationale. Ils bénéficièrent tacitement de la prescription.
Sous prétexte de doute cartésien, aujourd’hui certains Sherlock rebattent les cartes on ne sait pour quel agenda caché ! Parmi eux Rémy Banzenguissa, chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes.
John Kennedy
Au jeu des « remises en cause » l’école américaine n’a pas d’égal. En, 1963, John Kennedy est assassiné par Lee Oswald. Soixante ans plus tard, les partisans de la théorie du complot n’ont pas baissé les bras. Il ne se passe pas un jour sans qu’on n’annonce d’autres révélations sur cette mort dont les auteurs avaient été confondus par les limiers du FBI et de la CIA.
Les meurtres de Marien Ngouabi et du Cardinal Emile Biayenda n’ont pas échappé à l’investigation des complotistes. Sassou, auquel a largement profité le crime, a dû boire du petit lait quand l’historienne Florence Pernault confie à RFI que le double assassinat de 1977 est d’une élucidation « complexe et difficile. » Il y a des cadavres mais pas de criminels. « Innocence et châtiment » : Dostoïevski n’aurait pas pensé à ce titre.
Alphonse Massamba-Débat destitué par Marien Ngouabi en 1968, est qualifié, au passage, de Président qui n’était pas un « tendre. »
Les chaussures du mort
Il n’y a pas meilleure manière de blanchir celui qui est devenu Khalife à la place du Khalife que ce révisionnisme de bon aloi.
Cependant Me Amédée Nganga chez Christian Perrin dit, en substance , que l’homme qui a chaussé les chaussures du mort, c’est Sassou. Alors Céline Ngouabi camperait le rôle de veuve joyeuse ? Présente sur les lieux du crime, elle n’a jamais été entendue au Procès ! Ayant hérité de la veuve, qu’il « viola » (selon Me Nganga), le sympathique Sassou lui a fait une jolie fille aujourd’hui mariée avec faste sur la place publique. Toute honte bue.
Total, les travaux d’intellectuels et l’amnésie du public aidant, la thèse de la culpabilité de Sassou est en train de se réduire comme peau de chagrin.
Béatification et esprit scientifique
« Ca ne peut pas être lui » dit l’historienne Florence Pernault puisqu’il s’est récemment rendu à Rome auprès du Pape François plaider la béatification et la canonisation du bon Cardinal. CQFD
Le décès du Cardinal a, du reste, laissé au cours d’un colloque, l’intrépide sociologue Rémy Nganga Banzenguissa le cœur rempli de doutes scientifiques.
Le procureur Jacques Okoko, à la fois juge et partie au procès de 1978 présidé par Charles Assémékang, se demanda après l’imparable plaidoirie de Me Mbemba si, au bout du compte, Marien Ngouabi ne s’était pas suicidé.
Voilà une belle hypothèse de travail.
L. Ekiragandzo